Charly Salvatge, l'art cinétique vivant
Avec Garage Kinetik, Charly Salvatge propose une série de sculptures mécaniques immersives, conçue comme des organismes autonomes, vibrants et joueurs. Roulements à billes, moteurs détournés, matériaux de récupération : l'artiste greffe, assemble et fait surgir des présences.
Chaque œuvre est une machine sensible, animée par une pulsation propre, une énergie singulière, parfois imprévisible. Pour Charly Salvatge, le mouvement n'est pas un effet, il est un langage, un souffle. Il puise dans l'enfance, dans le jeu, dans les mythologies intimes pour créer des pièces qui éveillent tous les sens. Des formes libres, des lumières qui clignotent, des sons qui bruissent, des odeurs de métal : l'expérience est immersive, totale, presque organique.
Ici, le mouvement est prêté, obsédant et hypnotique.
Artiste singulier, Charly Salvatge compose un univers total. Certaines œuvres diffusent une bande sonore composée de fragments de conversations mêlés à des musiques savamment choisies : un thème de Blade Runner, un enregistrement radiophonique, un air de western... D'autres pièces, comme La Poissonnerie d'Opium, exhalent de la vapeur d'eau, brouillant les frontières entre matière, perception et atmosphère.
On retrouve dans ses œuvres une même fascination pour le mouvement que chez Jean Tinguely, une attention à la lenteur et au silence mécanique proche de Pol Bury, ou encore une liberté plastique et une charge émotionnelle ressentie enfant devant la fontaine de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely au Centre Pompidou. Charly Salvatge convoque la mémoire enfouie des objets, il interroge la lenteur, la répétition, le silence du geste mécanique. Le mouvement devient langage.
Garage Kinetik invite à une expérience organique et sensorielle. Le spectateur n'est pas simple observateur : il devient complice, traversé d'échos, de sensations, de souvenirs. Cette exposition est une expérience totale, où l'on observe, écoute, touche, ressent.
Un lieu de transmutation, où la matière, enfin, se met à parler.
Dans l’exposition « Garage Kinetik », il nous partage ce voyage intérieur : Une rencontre, telle une mémoire profonde encapsulée dans chaque oeuvre.
L’art est un cocon, il grandit avec une mère artiste qui donne des cours d’art à son domicile et le fait voyager dans toutes les biennales d’art contemporain. Son père, figure plus inquiétante et mystérieuse : ancien militaire, espion au service de la SAC, adepte de l’ésotérisme et ermite à Notre Dame des morts, nimbe son imaginaire d’ombres qui rôdent. Ce double héritage, entre lumière et secret, façonne en profondeur son regard.
Son expérience personnelle et jouissive de la matière va se révéler très jeune dans le cabaret de sa grand-mère qui dirige le théâtre de l’oeuvre à Marseille. Un lieu miteux mais sublime, fait de bric et de broc, qui sent la poudre, le parfum et la poussière. Il s’installe seul dans la cabine de l’ingénieur du son, aux mille fils électriques multicolores, ou dans les loges plongées dans le noir sous la scène : le parquet grince, on distingue à peine les conversations du public, le cliquetis des machines et les tours de chant. Les lumières tamisées, la sortie de secours qui clignote, le velours des rideaux, les froufrous des costumes, il lui semble que tout l’univers converge en ce lieu merveilleux et magique.
Mais le berceau de l’enfance devient vite trop étroit. Nourrit au cinéma de Steven Spielberg, Ridley Scott, Robert Zemeckis, Richard Donner, il fantasme l’Amérique de manière obsessionnelle. Sa mère l’émancipe à 16 ans et il va déployer force de travail et d’ingéniosité pour vivre ce rêve. À 20 ans il s’installe en Californie dans une colocation et crée de toutes pièces un décor inédit dans le patio où ils organisent des fêtes avec toute la scène artistique de San Diego. On lui commande des décors similaires pour des baristas des salons de tatouage, des plateaux télé. Il monte une entreprise florissante qu’il revend pour voyager partout dans le monde, notamment en Amérique Latine où il s’initie aux rites chamaniques.
De retour en France, il rejoint sa mère à Uzès, et commence à produire ses premières pièces d’artiste en détournant les matières de leur fonction première. De ce processus instinctif va émerger un étrange dialogue. « Un jour la matière s’est mise à me parler et je ne me suis plus jamais senti seul », confie-t-il. Tout est matière à réflexion et à transformation. Ce processus de création demande de plonger profondément dans sa bibliothèque intime d’émotions, mais aussi un abandon total, une écoute sensible de la matière pour en révéler la mémoire enfouie. « Est-ce que c’est moi qui crée la pièce ou est-ce la pièce qui me demande de la créer, la frontière est parfois trouble ». Les œuvres de Charly Salvatge semblent effectivement vivantes et avoir de nombreuses histoires à nous transmettre.
« Salvatge », de ce nom catalan qui veut dire « sauvage », on peut se demander s’il ne s’agit pas pour Charly de la première « matière » expérimentée par l’artiste, son état sauvage, primitif.

Galerie 5 heures - Uzès
L'exposition à eu lieu à la galerie jusqu'au 20 juillet 2025. Pour plus d'informations, veuillez nous contacter par mail 5heures.uzes@gmail.com